mercredi 13 avril 2011

Un programme d’armement secret au coeur de la centrale de Fukushima ???

Japon: les techniciens "perdent la course" à Fukushima
Traduction par Hélios
Global Research , 12 avril 2011
Fourth Media (Chine)
Le traité sur la sécurité Japon-États-Unis retarde fatalement la lutte des ouvriers contre la crise nucléaire

par Shimatsu Yoichi
Les rapports confus et souvent contradictoires sur la centrale nucléaire de Fukushima ne peuvent être uniquement dus aux dommages causés par le tsunami, à des maladresses ou à un manque de communication. Les retards inexplicables et les demi-explications de Tokyo Electric Power Company (TEPCO) et du ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie (METI) semblent être régis par des non-dits.

Fumée et reflets semblent obscurcir à Fukushima 1 un but constant, une volonté de fer et une sinistre tâche inconnue du monde extérieur. L’explication la plus logique: l‘industrie nucléaire et les organismes gouvernementaux se démènent pour éviter la découverte d’installations de recherche sur la bombe atomique cachées à l’intérieur des centrales nucléaires civiles japonaises.

Un programme d’armement nucléaire secret est un fantôme dans la machine, détectable uniquement lorsque le système de contrôle de l’information est momentanément défaillant ou en panne. Un regard attentif est nécessaire entre le compte rendu officiel et les événements imprévus.

Des rapports contradictoires
TEPCO, opérateur nucléaire au Japon, fait d’abord état ​​de trois réacteurs en fonctionnement au moment du tremblement de terre et du tsunami de Tohoku le 11 mars. Puis une explosion d’hydrogène saccage l’unité 3, engendré par le mélange d’uranium et d’oxyde de plutonium (MOX). L’unité 6 a disparu immédiatement de la liste des réacteurs en exploitation, pendant que des particules hautement létales de plutonium se sont dispersées à partir de l’unité 3. Le plutonium est un genre d‘engin de guerre plus discret, plus facilement envoyé.

Un incendie s’est déclaré à l’intérieur du bâtiment endommagé du réacteur de l’unité 4, vraisemblablement dû à une surchauffe des barres d‘uranium irradiées dans une piscine de refroidissement à sec. Mais la taille de l’incendie, indique que ce réacteur a surchauffé pour un autre but que la production d’électricité. Son omission dans la liste des opérations concernant la fabrication d’électricité soulève la question de savoir si l’unité 4 a été utilisée pour enrichir l’uranium, première étape du processus menant à l’extraction de matériaux pour armes fissiles.

La dissémination d’eau de mer irradiée à travers le Pacifique donne une autre pièce du puzzle, parce que sa source souterraine est introuvable (ou, peut-être, inavouable). Le labyrinthe de tuyaux inondé, où les corps de deux ouvriers en nucléaire disparus fait jamais divulgué à la presse jusque-là, ont été retrouvés, pourrait bien contenir la réponse au mystère: un laboratoire que personne n’ose nommer.





Guerre politique
En réaction à une demande du premier ministre Naoto Kan pour un bref rapport des problèmes, le lobby pro-nucléaire a serré les rangs, en clôturant et gelant des inforamations vitales pour le bureau du premier ministre. La grande alliance des partisans du nucléaire comprend maintenant TEPCO, le concepteur de la centrale General Electric, le METI, l’ex-Parti libéral-démocrate et, par évidence, la Maison Blanche.

Les ministres de cabinet en charge des cas d’urgences nationales et de la communication ont récemment fustigé Banri Kaeda à la tête du METI pour avoir agi en tant que doublement promoteur et régulateur nucléaire en charge de la désormais muselée commission de sûreté nucléaire et industrielle. TEPCO a répliqué rapidement, accusant le survol en hélicoptère par le Premier ministre d’avoir retardé la ventilation des gaz volatils et provoqué une explosion au réacteur 2. Pour « raisons de santé, » le Président de TEPCO s‘est retiré dans une chambre d’hôpital, a coupé la ligne de communication de la société vers Kan et éludé sa visite du site de Fukushima 1.

Kan est handicapé par sa rivalité avec Ichiro Ozawa, du parti démocrate, le seul allié potentiel de poids pour contester la formidable coalition pro-nucléaire.

Le chef des libéraux-démocrates, qui parraine l’énergie nucléaire depuis presque 54 ans, vient d’avoir des discussions confidentielles avec l’ambassadeur américain John Roos, tandis que le président Barack Obama a fait des déclarations pour la construction de nouvelles centrales nucléaires à travers les États-Unis.

Coupure de la communication
La substance des pourparlers non divulgués entre Tokyo et Washington peut conjecturer les perturbations sur mon récent appel téléphonique à un collègue journaliste japonais. Bien qu‘il soit à l’intérieur de la zone radioactive, son numéro d’itinérance a été débranché, ainsi que les mobiles des travailleurs du nucléaire à Fukushima 1 qui se voient refuser l’accès au téléphone avec le monde extérieur. La suspension de service n’est pas due à des défauts de conception. Quand j’ai aidé à préparer le plan d’intervention pour la crise de Tohoku en 1996, mon effort était de m’assurer que les stations de base mobile ont une alimentation de secours avec recharge rapide.
Lors d’un appel téléphonique ultérieur à mon collègue rentré à Tokyo, celui-ci est mort après que j‘ai mentionné « GE » (General Electric).Cet accident est survenu le jour où le PDG de GE, Jeff Immelt, a atterri à Tokyo avec une promesse de reconstruire la centrale nucléaire de Fukushima. Une telle mise sur table d’écoute n’est possible que si le serveur national de téléphonie NTT coopère avec le programme de signaux interceptés de la National Security Agency des États-Unis (NSA).





Le pacte de Mandchourie
La chaîne dévénements à l’origine de cette vaste fabrication remonte à de nombreuses décennies en arrière.
Pendant l’occupation japonaise militaire de la Chine du nord dans les années 1930, l’Etat fantoche du Mandchoukouo était taillé comme une puissance économique moderne propre à soutenir pleinement un Japon surpeuplé et sa machine militaire. Un planificateur économique de haut rang nommé Nobusuke Kishi a travaillé en étroite collaboration avec le commandant de la division d’occupation de Kanto, cette dernière connue des Chinois comme l’armée du Kwantung, le général Hideki Tojo.
Des liens étroits entre les militaires et les économistes coloniaux conduisirent à des réalisations technologiques, dont le prototype d’un train à grande vitesse (ou Shinkansen) et la création du projet de la bombe atomique japonaise en Corée du Nord. Lorsque Tojo est devenu le Premier ministre japonais pendant la guerre, Kishi fut son ministre du commerce et de l’économie, planifiant une guerre totale à l’échelle mondiale.
Après la défaite du Japon en 1945, à la fois Tojo et Kishi ont été reconnus coupables de crimes de guerre de classe A, mais Kishi a évité la potence pour des raisons inconnues, sans doute en raison de son utilité à une nation ravagée par la guerre. La conception d’un économiste décharné d’une gestion économique centralisée a conduit au plan directeur du MITI (ministère du Commerce international et de l’Industrie), prédécesseur du METI, qui a créé le miracle économique qui a transformé le Japon d‘après-guerre en une superpuissance économique.
Après s’être mis dans les bonnes grâces de John Foster Dulles,de la Guere Froide, le secrétaire d’Etat d’Eisenhower, Kishi fut élu premier ministre en 1957. Son protégé Yasuhiro Nakasone, ancien officier de la marine et futur premier ministre, a promu une campagne au Japon pour devenir une puissance nucléaire sous le couvert de la Loi fondamentale de l‘énergie atomique.

Complicité américaine
Kishi négocia secrètement un accord avec la Maison Blanche afin de permettre à l’armée américaine de stocker des bombes atomiques à Okinawa et à la Naval Air Station d’Atsugi aux alentours de Tokyo (le caporal des marines Lee Harvey Oswald a servi comme garde à Atsugi.) En échange, les États-Unis ont donné le feu vert au Japon pour poursuivre un programme nucléaire « civil ».

Une diplomatie secrète a été nécessaire en raison du sentiment majoritaire de la population japonaise contre l’énergie nucléaire suite aux bombardents d’Hiroshima et de Nagasaki. Il y a deux ans, un texte de l’accord secret a été découvert par Katsuya Okada, ministre des Affaires étrangères dans le cabinet du Premier Ministre du premier Parti démocratique, Yukio Hatoyama (qui n’a régné que neuf mois en 2009-2010).
De nombreux détails clés étaient absents de ce document, qui avait été enfermé dans les archives du ministère des Affaires étrangères. L’ancien diplomate retraité Kazuhiko Togo a révélé que les questions les plus délicates ont été en bref conservées dans des lettres, dont certaines dans un hôtel fréquenté par le demi-frère de Kishi, l‘ancien Premier Ministre Eisaku Sato (ministre de 1964 à 1972). Ces notes diplomatiques les plus importantes, a ajouté Togo, ont été enlevées et ont ensuite disparu.

Ces révélations ont été considérées comme un problème majeur au Japon, mais ont été largement ignorées par les médias occidentaux. Avec la centrale nucléaire de Fukushima partant en fumée, le monde est en train de payer le prix de cette négligence journalistique.

Par sa visite en Grande-Bretagne en 1959, Kishi a été transporté par hélicoptère militaire à la centrale nucléaire de Bradwell dans l’Essex. L’année suivante, la première ébauche de sécurité entre le Japon et les États-Unis a été signé, malgré les protestations massives pour la paix à Tokyo. En quelques années, la société britannique GEC à construit le premier réacteur nucléaire japonais à Tokaimura, Préfecture d’Ibaragi. Dans le même temps, juste après les Jeux Olympiques de 1964 à Tokyo, le nouveau train Shinkansen inauguré a fourni la justification parfaite pour une électricité de source nucléaire.

Kishi prononca la fameuse déclaration que «les armes nucléaires ne sont pas expressément interdites » en vertu de l’article 9 de la Constitution rédigée après-guerre interdisant les puissances à faire la guerre. Ses paroles ont été répétées il y a deux ans par son petit-fils, alors Premier ministre, Shinzo Abe. La crise en cours en Corée du Nord a servi de prétexte à cette troisième génération des descendants de l’élite politique à lancer l’idée d’une arme nucléaire au Japon. Beaucoup de journalistes japonais et dexperts du renseignement supposent que le programme secret est suffisamment avancé pour un montage rapide d’un arsenal d’ogives et que des essais souterrains à des niveaux sous-critiques ont été faits avec de petits fragments de plutonium.





Sabotage de l‘énergie alternative
Le cynisme du lobby nucléaire s’étend loin dans l’avenir, étranglant dès le départ l’unique source viable d’énergie alternative de l’archipel japonais - les éoliennes offshore. Malgré des décennies de recherche, le Japon n’a que 5 pour cent de la production d’énergie éolienne de la Chine, avec une économie (pour le moment, en tout cas) de taille comparable. Mitsubishi Heavy Industries, puissance nucléaire partenaire de Westinghouse, fabrique des éoliennes, mais seulement pour le marché d’exportation.

La zone de haute pression sibérienne assure un vent fort et constant sur le nord du Japon, mais les sociétés de services publics de la région n’ont pas tiré parti de cette ressource énergétique naturelle. La raison en est que TEPCO, basé à Tokyo et contrôlant le plus grand marché de l’énergie, agit comme un shogun sur les neuf compagnies d’électricité régionales et le réseau national. Ses poches bien remplies ont une forte influence sur les bureaucrates, les éditeurs et les politiciens comme le gouverneur de Tokyo, Shintaro Ishihara, et ses ambitions nucléaires mettent les entrepreneurs et les généraux de la défense de son côté. Pourtant, TEPCO n’est pas tout à fait le dirigeant au sommet. Son partenaire principal dans cette méga-entreprise est l’idée originale de Kishi, le METI.

Le site de test national pour l’énergie éolienne offshore n’est malheureusement pas situé à Hokkaido ou Niigata balayées par les vents mais plus au sud, dans la préfecture de Chiba. Les résultats de ces tests pour décider du sort de l’énergie éolienne ne seront pas publiés avant 2015. Le promoteur de ce lent projet est TEPCO.
Mort de la dissuasion
Pendant ce temps en 2009, l’Agence Internationale de l’énergie atomique (AIEA) a émis un avertissement en sourdine concernant l’idée d’une bombe nucléaire japonaise et s’est empressée de ne rien faire. La Maison Blanche tourne ses yeux aveugles vers une radioactivité s’écoulant à travers le ciel américain ou à une exposition au risque d’un flagrant double standard sur la prolifération nucléaire par un allié. En outre, la calme approbation de Washington pour une bombe japonaise ne va pas vraiment très bien avec la mémoire de Pearl Harbor ou d’Hiroshima.

En soi, une capacité de dissuasion nucléaire ne serait ni contestable ni illégale dans le cas peu probable que la majorité des Japonais votent en faveur d’un amendement de l’article 9 de la constitution. Une possession légalisée exigerait des inspections de sécurité, des contrôles stricts et une transparence du même genre que celle qui pourrait avoir hâté l’intervention d’urgence à Fukushima. Le développement d’armes clandestines en revanche, fait courir aux problèmes. En cas d’urgence, comme celle qui se passe en ce moment, le secret doit être exigé à tout prix, même si cela signifie un nombre incalculable d »’hibakusha », ou victimes nucléaires.

Au lieu de permettre un système de dissuasion régionale et un retour à un statut de grande puissance, l’affaire de Mandchourie a placé des bombes crachant aujourd’hui leur rayonnement à travers le monde. Le nihilisme au cœur de cette menace nucléaire pour l’humanité ne réside pas dans Fukushima 1, mais dans la mentalité de la sécurité nationale. Le spectre de l’auto-destruction ne peut être terminé qu’avec l’abrogation du traité sur la sécurité entre les États-Unis et le Japon, la cause première du secret qui a fatalement retardé la lutte des ouvriers nucléaires contre la crise.

Yoichi Shimatsu, le rédacteur en chef de 4th Media, est un écrivain pour l’environnement basé à Hong Kong. Il est l’ancien rédacteur en chef du Weekly Times Japon. Cet article est d’abord paru dans le New Am.
Les vues exprimées par l’auteur sont de sa seule responsabilité et ne reflètent pas forcément celles de International News.