lundi 5 octobre 2009

H1N1: la méfiance populaire inquiète Québec



«C'est à nous de rendre l'information claire et intelligible» au sujet du vaccin, dit le ministre Bolduc
La méfiance grandissante à l'égard du vaccin contre la grippe A(H1N1) inquiète le ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc. Québec a en effet du mal à faire entendre son message dans le tonnerre de critiques et de théories plus ou moins loufoques relayées ces jours-ci dans la sphère publique comme dans le cyberespace. «Le H1N1 est un vrai défi de communication. Et on ne peut pas blâmer la population. C'est à nous de rendre l'information claire et intelligible», admet le ministre.

Le message véhiculé par Québec est pourtant «simple», croit Yves Bolduc. Il est de surcroît scientifiquement solide. «Notre discours est clair et il est appuyé par nos experts de la santé publique», qui eux-mêmes s'appuient sur les recommandations faites par les experts de l'Agence de la santé publique du Canada et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ceux-ci prescrivent la vaccination massive comme principal moyen de contrôle de la pandémie, qui a fait un peu plus de 4100 morts jusqu'à présent dans le monde.

Cette stratégie mondiale est pourtant remise en doute quotidiennement dans des courriels, des forums de discussions, des lettres de lecteurs, des sites Internet, des sites de réseautage comme Facebook ou même des conférences et des congrès publics. «Bienvenue au XXIe siècle», résume le ministre Bolduc, qui doit apprendre à travailler avec la réalité de l'instantané en temps de crise. «Nous faisons tout ce qu'il faut pour donner aux gens une information juste, rapidement. Il en va de notre devoir d'information et de transparence.»

Deux types de discours viennent toutefois court-circuiter le message officiel. Les premiers prennent la forme de charges antivaccination qui misent sur la peur du complot. Ces attaques sont pour la plupart dénuées de tout fondement scientifique. Plusieurs sont carrément loufoques, comme ces allégations de manipulations bioterroristes visant à éradiquer la moitié de la population terrestre par l'entremise d'un vaccin truqué dans un laboratoire secret appartenant tantôt aux forces américaines, tantôt à des terroristes d'al-Qaïda.

D'autres discours mettent toutefois en lumière des omissions ou des contradictions réelles dans le message en demi-teintes des autorités sanitaires. La communauté scientifique elle-même contribue à brouiller le message. Encore cette fin de semaine, l'OMS a remis en doute la validité d'une étude canadienne qui concluait que les personnes ayant reçu un vaccin contre la grippe saisonnière étaient deux fois plus susceptibles de contracter le virus pandémique.

La semaine dernière, c'était au tour du Journal de l'association médicale canadienne de contester l'efficacité du lavage des mains dans la chaîne de contamination du virus, pourtant la pierre angulaire des mesures de prévention mises en branle par Québec. Dans tout ce charivari d'études contradictoires, même les spécialistes en perdent leur latin. En France et en Angleterre, plus de la moitié des effectifs infirmiers compte refuser le vaccin contre la grippe H1N1. Ici, des médecins n'hésitent plus à aller à contre-courant en émettant des doutes sur la stratégie canadienne. Quand ils ne se prononcent pas ouvertement contre la vaccination... Résultat, un Canadien sur deux affirme ne rien vouloir savoir du vaccin contre le H1N1.

Tout ce battage, fondé ou pas, nuit aux efforts de la santé publique, croit le ministre Bolduc. «Je ne peux pas empêcher quelqu'un d'écrire dans les journaux que c'est un complot terroriste fomenté par les talibans ou je ne sais qui d'autre. Que ce soit vrai ou non, ça ne change rien. [...] Je ne peux pas non plus empêcher les gens de reprendre nos propos et de les déformer à leur avantage.»

Québec entend donc taper sur le même clou jusqu'à ce que le message fasse son chemin. Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage disait Boileau. «Je pense que la population est intelligente et que la majorité des gens est capable de comprendre que nous sommes là pour donner l'information la plus juste possible», croit le ministre de la Santé.

Ce dernier admet toutefois que les inconnues sont nombreuses dans l'équation. La vaccination est en effet une approche populationnelle qui vise à protéger le plus grand nombre de personnes possible contre un virus que l'on connaît encore mal. Une approche qui fonctionne de surcroît sur la gestion des risques. Car risques il y a. «À la question: "est-ce que c'est possible que...", je réponds que tout est possible. Maintenant, une fois que la bonne information a été donnée à la population, chaque personne est libre de recevoir le vaccin ou pas.»

Personnellement, le ministre recommande le vaccin sans hésiter à tous ceux qui croisent son chemin. Et à ceux qui doutent encore, le Dr Bolduc rappelle l'épidémie de méningite à méningocoque qui a secoué le Québec en 1992-1993. À l'époque, personne ne voulait être vacciné, rappelle le ministre. Et soudain, «en l'espace de deux semaines, on s'est mis à voir jusqu'à deux cas par jour. Quand il y a eu deux morts, tout le monde a voulu le vaccin».

Cela dit, le ministre Bolduc tient à le répéter, personne ne sera obligé de recevoir le vaccin. Chacun choisira en toute connaissance de cause. Et personne ne sera laissé pour compte. «Ceux qui ne voudront pas être vaccinés, ce sera leur choix et si, en cours de route, on voit qu'il y a des affaires qui ont plus d'incidence [que d'autres], on va leur offrir le plus de support possible, dans la mesure des moyens mis à notre disposition.»

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