lundi 19 octobre 2009

Le Parti pirate combat un système de pensée...



À l'origine du Parti pirate : une initiative suédoise lancée en 2006, puis rapidement imitée en France et dans une trentaine d'autres pays. Aujourd'hui, le mouvement représente la troisième force politique en Suède, la sixième en Allemagne, et possède son propre député européen.
Aux dernières élections législatives dans les Yvelines, Maxime Rouquet réalisait un score de 2,08% comme candidat de ce mouvement, loin des 0,3% visés, dans une campagne "sans affiches, sans tracts, sans moyens". Après cette élection, quel avenir pour le Parti pirate, notamment en vue des régionales de 2010 ?
Valentin Villenave, musicien de 25 ans, numéro deux du parti, répond au Nouvelobs.com.

Quel est votre programme ?
Le Parti pirate milite sur trois points essentiels. Tout d'abord, pour un large respect des libertés civiques et des droits de l'homme, jusque dans sa vie privée. Ensuite, pour la reconnaissance du droit d'accéder au savoir et à la culture, et pour la décriminalisation des citoyens qui se livrent au partage de ceux-ci. Enfin, nous appelons à une réforme majeure des brevets pharmaceutiques et biotechnologiques, pour que le tiers-monde ne soit plus soumis à deux ou trois monopoles privés.

Vous êtes surtout connus pour votre opposition à la loi Hadopi.
Cette loi mérite d'être dénoncée. Hadopi présente énormément de défauts, c'est une sorte d'acharnement thérapeutique pour réanimer un cadavre. Mais au-delà d'Hadopi, le Parti pirate combat un système de pensée. On est dans une période où pour la première fois presque tout le monde, en théorie, peut avoir accès au savoir universel, à la connaissance. Au lieu de promouvoir un meilleur accès à l'intelligence collective, les progrès technologiques sont instrumentalisés au profit de quelques-uns. La société a vécu une révolution avec Internet. Il faut en prendre acte !

Où êtes-vous le mieux implanté ?
En France, nous sommes éparpillés un peu partout sur le territoire. Beaucoup de membres se localisent à Toulouse, en Bretagne, ou en Alsace. Curieusement, peu en Ile-de-France. Mais cette répartition pose des problèmes et surtout des questions pour les prochaines échéances comme les régionales. Pour les Européennes, nous n'avons pas été en mesure de réunir une liste complète.
A l'international, de la France au Brésil en passant par la Pologne, les Partis pirates constituent un véritable réseau d'information : dès qu'une loi liberticide se profile quelque part, on est tous au courant. Après, le Parti pirate fonctionne très bien dans les pays de l'Est (la Suède et l'Allemagne) et du Nord-Est (Danemark et Finlande).

Quel est le profil-type de vos membres ?
Il n'y a pas vraiment de profil-type, même s'il y a forcément un côté geek. On recense 90% d'hommes, mais aussi des mères de familles, des retraités plus ou moins soixante-huitards, des artistes, etc. Je regrette qu'il n'y ait pas plus de femmes.

Et pour votre électorat ?
Nos plus forts scores se font chez ceux qui votent pour la première fois. Donc, on retrouve surtout des jeunes et particulièrement des gens désabusés de la politique qui trouvent notre démarche intéressante. Les gens se sentent concernés par la loi Hadopi, beaucoup plus que pour l'obscure loi DADVSI trois ans plus tôt. Et puis, l'intitulé "Parti pirate" accroche.

Vous appelez vos électeurs à pirater ?
Nous considérons que partager la culture n'est en rien criminel. La vraie question sur les droits d'auteurs est : à qui profite le système actuel ? Aux éditeurs, aux maisons de disques, aux sociétés de gestion de droits d'auteurs ! Partager la culture hors du cadre payant, est-ce préjudiciable aux artistes et auteurs ? Selon plusieurs études indépendantes sur le sujet, la réponse est non. Pour l'instant, il n'y a jamais eu une quelconque preuve que l'échange de fichiers ait eu impact sur les ventes de disques. Le secteur de la musique est en crise, et le serait sans le téléchargement. Avec Hadopi, les industriels de la musique ont fait voter une loi dans leur intérêt. Aujourd'hui, la question du droit d'auteur doit être redonnée aux auteurs.

C'est-à-dire ?
Il faut se poser la question de la place de l'auteur. Personnellement, je suis professeur au conservatoire. Voir les inspecteurs de la Sacem [société de gestion des droits d'auteurs, NDLR] effectuer des descentes en plein cours pour fouiller les cartables d'élèves à la recherche de photocopies "illégales" de partition, c'est révoltant ! En tant qu'auteur, je ne peux cautionner ce système. Ainsi, pour le dernier opéra que j'ai écrit, j'ai opté pour une licence libre laissant ouverte l'utilisation de mes partitions. À aucun moment, je ne me suis senti floué sur mes droits d'auteurs. Un autre exemple : lors d'une fête de fin d'année dans une école primaire, les enfants chantaient "Adieu monsieur le professeur" d'Hugues Auffray, pour le départ de leur directeur. Les inspecteurs sont alors intervenus et ont infligé une amende à l'école pour ne pas avoir payé de droits d'auteurs. Hugues Auffray, premier indigné, a tenu à payer l'amende. Le système est devenu complètement fou...

Le Parti pirate est-il sollicité pour des conseils ?
Du côté des artistes, le Parti pirate entre régulièrement dans une dimension pédagogique pour présenter les licences alternatives aux sociétés de gestion des droits d'auteurs. Par rapport aux politiques, la logique est souvent celle du rejet. Seuls les Verts semblent partager nos convictions, puisqu'ils recopient certaines de nos propositions, mais continuent d'avoir peur que l'on leur prenne des voix. Néanmoins, pour les politiques en place, on représente un énorme potentiel.

Financièrement, comment fonctionne le Parti pirate ?
Pour l'instant, il ne fonctionne pas. On survit dans la mesure où on n'existe que sur Internet et que les dépenses sont limitées, à part l'hébergement du site que je paye moi-même. Le problème ce sont les banques. Une douzaine de banques nous ont envoyé balader lorsque de l'ouverture d'un prêt "au nom du Parti pirate". Nous avons d'ailleurs dû déposer un recours devant la banque de France. On est encore loin des Allemands et Suédois qui possèdent leurs propres locaux avec des employés permanents...

Boris Manenti

Plus d'informations sur le site du Parti pirate.

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