mardi 6 octobre 2009

Le syndrome du Titanic


Le syndrome du Titanic, film de Nicolas Hulot et Jean-Albert Lièvre, sort ce mercredi sur les écrans. Plaidoyer écologiste doublée d'une critique de l'hyperconsommation, ce film décrit comment le pillage de la planète s’opère au profit d’un petit nombre.

On ne sort pas indemne du film de Nicolas Hulot et Jean-Albert Lièvre. «C’est davantage un appel à la raison et un acte politique qu'un documentaire sur la crise écologique» disent les auteurs. 90% des images ont été tournées dans des villes et la «belle nature sauvage» en est la grande absente... Rien à voir avec Home, le film de Yann Arthus Bertrand.

Ici, des hommes, des hommes et encore des hommes. Grouillant dans des mégalopoles saturées d’éclairage, gavés de publicité, de biens de consommation. Mais aussi s’entassant dans des bidonvilles où tout vient à manquer l’eau, l’électricité, la nourriture, les soins. Déjà vu ? Jamais comme cela…

Lièvre et Hulot ont privilégié les plans fixes et larges qui permettent de voir la réalité humaine bien en face, et surtout, fait des montages saisissants. Ces files d’urbains qui dorment sur les trottoirs de Tokyo et de Los Angeles, qu’attendent-ils, qu’espèrent ils? La sortie du nouvel I-Phone, pardi! Hystérie, déferlement de joie pure à l’ouverture du magasin où quelques consommateurs «élus» entrent sous les applaudissements. Et l’on bascule en Afrique, où de très jeunes gens, des enfants désossent péniblement nos gadgets électroniques –ces mobiles, ordinateurs, obsolètes à peine achetés- soit des monceaux de déchets, bourrés de composés toxiques. On voit encore ces montagnes que l’on râpe et décapite pour chercher les précieux minerais indispensables à la fabrication des batteries de nos «jouets». La ressource, on le comprend clairement, est surexploitée et très mal partagée.

Dans ce film, le souci écologiste rejoint le propos tiers-mondiste, plus que jamais d’actualité puisqu’après deux siècles de «progrès» et des décennies de libéralisme débridé, les inégalités perdurent et parfois s’aggravent. Notre addiction à la consommation s’étale avec indécence, elle qui alimente le pillage de la planète au profit d’un petit nombre…Une planète aux ressources pourtant limitées, et qui montre déjà des signes d’épuisement.

Pourtant, à moins de montrer l’exemple, on ne pourra pas empêcher les pays pauvres de copier notre mode de développement effréné. Une scène, hallucinante en témoigne: celle d’une grand messe réunissant des milliers de fidèles de l’église des Winners en Afrique: «Jésus est mort, clame le pasteur à la foule vibrante et dansante, et il a dit : en attendant mon retour, faites du business» !

«Je ne suis pas né écologiste, je le suis devenu, commente Nicolas Hulot sur un ton un brin prophétique. Le modèle économique dominant n’est plus la solution mais bien le problème. Je suis un enfant de la société de consommation, moi aussi. Je dois avancer pas à pas vers plus de cohérence, jusqu’où suis-je prêt à aller dans le choix, le renoncement?»

On peut avoir des préventions envers Hulot, son passé d’animateur télé, ses riches mécènes-qui doivent être bien embarrassés de voir le modèle capitaliste si clairement dénoncé- mais le message sonne juste. Ses avertissements aussi : car notre monde d’hyper-communication –connecté, relié, expliqué, imagé- n’a pas fait que jeter des ponts entre les hommes… Aujourd’hui, tous les pays pauvres ont à la fois dans l’oreille notre discours sur la prochaine pénurie et la menace climatique et sous les yeux les images de notre opulence outrancière. De sorte prévient Hulot, «qu’à l’exclusion des uns est venu s’ajouter un élément intenable et explosif : l’humiliation».

Histoire d’un titre :
«Le film reprend le titre du livre écrit en 2004. Il évoque l’attitude des passagers du célèbre paquebot qui continuaient à danser et festoyer sans réaliser la proximité de l’iceberg fatal. Autrement dit, si nous ne changeons pas de direction, nous courrons à la catastrophe. Je dirais même que le scepticisme résiduel que j’observe encore chez certains à l’égard du changement climatique, revient à naviguer avec un bandeau sur les yeux par temps de brouillard, à fond les manettes dans une mer parsemée d’icebergs… Le paquebot sur lequel nous sommes tous embarqués, c’est la planète Terre. Et nous n’en avons qu’une». Nicolas Hulot.

Rachel Mulot
Sciences-et-Avenir.com
06/10/09

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